forainsSouvent situés sur les champs de foire à proximité des cirques de Henry puis de Sabine Rancy, les
" Berlingots Mignon " ( famille Janselme ) illustrent de la façon sans doute la plus représentative qui soit, les liens qui existèrent entre l'illustre dynastie circassienne et le monde forain. Et ceci, comme vous allez le constater, est presque le fruit du hasard....
Rien ne prédisposait en effet à l'origine Jacques-Maximilien Janselme, fabricant d'allumettes à Marseille propriétaire du cirque " en dur " de cette ville, qu'il exploitait avec des imprésarii, ainsi que de la compagnie de tramways, à devenir forain. La fabrication des allumettes était alors libre en France et ce, jusqu'en 1872, année où elle fut affermée à une compagnie avant de devenir monopole de l'Etat. Coup dur pour celui qui mena une existence bourgeoise et luxueuse, qui fut contraint de but en blanc à abandonner son usine, tout en continuant toutefois à mener grande vie. Il roulait en calèche sur la canebière, insoucieux du lendemain, tout en ne gagnant rien. Il était très charitable et continuait à faire le bien sans se soucier de ses revenus qui s'amenuisaient pourtant grandement. sa bonté était si grande qu'il lui arrivait de prendre une voiture pour faire travailler un cocher sans clients. L'inévitable catastrophe ne se fit attendre, Janselme se trouva bientôt sans ressource, complètement ruiné, sans même pouvoir caresser l'espoir de retrouver une situation. Ne sachant que faire, il s'installa sur les foires pour présenter sa femme en qualité de colosse. Madame Maximilien Janselme pesait 146 kilos et mesurait 1,90 m. Les époux débutèrent à Nîmes avec un modeste entre-sort. Lorsqu'ils allaient voir cette attraction, les nômois s'écrièrent non sans humour: " Qu'elle est mignonne ! ", car en dépit de son poids, Madame Janselme était très jolie.... Les surnoms étant à la mode à l'époque, Maximilien fut bientôt qualifié de celui de
" Mignon ", puisqu'il était le mari de " la Mignonne ". Mais l'exhibition ne rapportait guère, et de toutes façons, ne leur plaisait pas. Aussi, ils décidèrent de changer de " métier ".... Ce fut, dit-on, la vision de petits marchands de bonbons exerçant la négoce le long des promenades marseillaises, qui les inspira. Un ami les encouragea et ils se mirent à fabriquer des berlingots. Maximilien les fit vendre par sa femme, en plein air, sur une petite table d'abord, avant de s'installer sur un véritable étal, tout en fabriquant des bonbons sur un marbre à côté. Intelligent et courageux, Janselme développa sa nouvelle et originale affaire, aménageant un grand banc volant avec des tourniquets que les clients faisaient tourner afin de gagner de très gros berlingots. Une baleine indiquait le nombre points gagnés. le tourniquet donnait autant de bonbons que de points indiqués. Le maximum était cinquante. Un orgue de belle dimension et placé sur un chariot, prolongeait l'étalage derrière lequel se tenaient Mignon et la Mignonne, leurs trois filles, prénommées Sidonie, Aurore et Cornélie, et leurs deux fils, Socrate et Maximilien. Tous étaient vêtus de blanc et portaient une sorte de coiffe dont le devant, relevé à la boulonnaise, servait de fond aux six lettres de " Mignon " brodées en rouge. Les hommes, armés de grands ciseaux de brodeurs d'habits, taillaient les berlingots à même la pâte encore chaude, en scandant en mesure du bruit des lames de leurs outils sur le marbre, les airs que l'orgue moulait au fil des cartons perforés. Les femmes se tenaient aux roues que tournaient les clients et distribuaient les friandises qu'ils gagnaient. L'ensemble, formé de huit personnes toutes habillées identiquement, et affairées derrière ce banc très long, ne manquait pas de pittoresque et attirait la foule. Bref, ce fut une réussite, devant laquelle Janselme décida de protéger sa fabrication, en déposant le brevet " Berlingots Mignon ".... Cornélie, la plus forte des filles du couple, pesait 110 kilos. Sa corpulence, comme celle de sa mère, ajoutait encore à l'attrait de la désormais célèbre confiserie. Elle épousa à Nîmes un sédentaire, un certain Pouzergue, qui ne tarda pas à quitter la compagnie de chemins de fer pour laquelle il travaillait, pour rejoindre le monde forain. Ils vivaient tous de ce métier, parvenant même, à l'image de Socrate, à réaliser de petites économies. Ce dernier possédait un petit tube dans lequel il accumulait des louis d'or. Lorsque le tube était plein, il déclarait, goguenard:
" Je ne travaille plus, j'ai de quoi passer l'hiver....". Il se maria avec Rose Michel, dont les parents tenaient un tir forain. Le jeune couple monta alors son propre " métier " et eût onze enfants. Socrate fut le premier à quitter l'escarcelle familiale. Les autres frères et soeurs se séparèrent après la mort de Jacques-Maximilien en 1908. Ils installèrent chacun leur confiserie, toutes à l'enseigne des " Berlingots Mignon ". L'un d'eux, Maximilien II se consacra un temps à des exhibitions, telles Fernand Rakako, l' " homme à l'estomac d'autruche ", ou encore Madame Babaut, la " femme-homard ".... Mais il abandonna très vite cette attraction pour revenir à la confiserie. L'une des filles de Socrate Janselme, prénommée de façon inattendue " Liberté Chérie ", épousa à Sète un certain Adrien Terme qui, après avoir tâté à divers métiers, devint docker dans ce port héraultais. A la mort de Socrate en 1918, les jeunes époux Terme et leur belle-mère voyagèrent ensemble jusqu'en 1925. C'est alors que, se trouvant trop à l'étroit dans les foires du Midi, Liberté Chérie et Adrien décidèrent de monter dans le Nord, construisant, année après année, leur tournée, de Calais à Saint-Omer, en passant par Lille, Roubaix et Amiens. Et ce fut précisément dans cette ville que l'Histoire des Mignon croisa une première fois celle des Rancy, à moins que ce ne fut le contraire.... Les époux Terme devinrent de grands amis de Tilly et Henry Rancy. Madame Terme devint même la marraine de Sabine Rancy en 1929. La seconde fois que la saga des " Mignon " interpénétrera celle des Rancy, ce sera en 1963, lorsqu'un autre Adrien, neveu du précédent, trompettiste virtuose de l'orchestre de Ray Ventura, deviendra pour quatre saisons le chef d'orchestre des cirques
" Napoléon ", puis " Sabine Rancy "....
Les trois générations qui suivent Jacques-Maximilien Janselme, le fondateur, ont toutes hérité du droit à la marque de leur père, grand-père et arrière-grand-père. C'est pourquoi on trouve encore aujourd'hui sur tous les champs de foire de France, et en particulier à Lille et Amiens, des " Confiseries Mignon ". Mais, dans ces villes en particulier, l'étal des " Mignon " est malheureusement orphelin du " Cirque Rancy ".....
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